Deux heures du matin.
Le feu s’est presque éteint. Micky est pourtant passé vers minuit rajouter du bois dans le poêle, mais ça n’a pas suffi. Il est maintenant presque complètement consumé et les quelques braises rougeoyantes qui restent ne suffisent plus à lutter contre le froid.
Dans la yourte, ça va. Tous les autres dorment à poings fermés, emmitouflés sous leur couverture, mais dehors, il fait à peine 12 degrés. C’est saisissant : alors que la température monte entre 35° et 40 ° dans la journée, elle s’écroule dès que la nuit tombe.
Il faut se lever, trouver une lampe de poche et relancer le feu …
Avant cela, aller voir dehors. Doudoune donc, et quelques pas dehors : la yourte est plantée dans la prairie. L’herbe est trempée à cause de la rosée. Heureusement la nuit est claire et permet de se repérer dans le campement. On voit même les vapeurs des « Hot Springs » qui montent de l’herbe, à quelques dizaines de mètres de là.
Nous sommes arrivés hier soir : quel changement de monde !
Flash-back.
La Mongolie, c’était la destination ultime du voyage. Un lieu improbable entre Chine et Russie. Le mythe entretenu par les légendes de Gengis Khan et de son empire.
La Mongolie, c’est aussi un territoire grand comme 3 fois la France, une population de moins de 3 millions d’habitants, la densité de population la plus faible au monde, une faible présence de l’eau sur le territoire et une population rurale essentiellement nomade. Ce qui fait que même là où les points d‘eau pourraient être exploités, ils ne le sont pas : pas d’eau courante, pas de réseaux d’eaux usées ou de traitement des déchets : la steppe, et des équipements de fortune dans la plupart des endroits. Il faut dire qu’il peut faire jusqu’à – 40 ° C l’hiver, ce qui évidemment pose quelques contraintes.
Oulan Bator (Ulan Bataar)
Nous y sommes arrivés il y a 2 jours. Partis la veille de Pékin, et après une improbable nuit dans le Transsibérien, débarquement à Oulan-Bator et recherche, non sans quelques difficultés, d’une solution pour visiter le pays durant la semaine que nous avons. On se fait évidemment arnaquer par le taxi dès l‘arrivée à la gare. Non content de nous faire payer le quadruple du prix habituel (prix pourtant convenu à la gare), il décide au dernier moment de doubler le prix de la course. On refuse catégoriquement, évidemment. Blocage du taxi, qui refuse de sortir les bagages du coffre On finit par les sortir nous-même manu militari et lui payer le prix convenu. Tout cela sous l’œil amusé du réceptionniste de l’hôtel qui n’ouvrira pas la bouche pour nous défendre !
En attendant, nous voilà à Ulaan Bataar. Ville étonnante : elle concentre plus de la moitié des habitants de la Mongolie, et grossit à toute vitesse. La raison ? La rudesse des hivers qui progressivement pousse les populations nomades à se sédentariser dans la seule ville de taille respectable.
Les conditions de vie n’y sont pas forcément idéales, mais la ville est « chauffée » par d’énormes tuyaux d’eau chaude qui la parcourent de long en large. De manière générale, toute le développement économique est conditionné par la rudesse du climat l’hiver. Même les exploitations minières, qui sont l’activité essentielle du pays, doivent fermer l’hiver.
Quelques constructions modernes malgré tout, notamment les bâtiments officiels et quelques hôtels attestent d’une évolution récente du pays, notamment vers le tourisme.
Une journée de transit pour trouver une agence et préparer notre tour en Mongolie, et nous voilà donc partis. L’agence ? Nomadic Discovery Mongolia (www.nomadicdiscovery.com), fondée par Micky (25 ans) à son retour en Mongolie après avoir fait ses études durant 10 ans en Angleterre. Un guide hors pair, ingénieur de formation, mongol de cœur et de passion, parfaitement bilingue, qui a laissé son job à 23 ans pour créer son agence et accompagner ses clients, et poursuivre des missions de conseil en ingénierie durant la période hivernale.
Un Minivan 4×4, notre guide, un driver, des courses de fortune pour quelques jours et nous voilà partis dans la steppe.
Crazy Trip
Ce sera la partie la plus folle du voyage : correcte au début, la route fait place rapidement à quelque chose de beaucoup plus chaotique, voire à de la piste ! Micky, qui appelle cela du « off-road » y voit d’ailleurs le must de la randonnée en Mongolie.
C’est vrai qu’on ne croise que des 4×4.
D’ailleurs, pour les 50 derniers kilomètres, après 7 heures de route, on quitte carrément la route et on s’engage directement dans la steppe, sur un chemin de terre improbable.
Passages de rivières, ornières infranchissables qu’on contourne par les bas-côtés, arrêts improvisés pour essayer de repérer sur nos applications iPhone (merci maps.me) où nous sommes et si c’est le bon chemin.
Et puis le soir qui tombe, l’horizon qui se couvre et finalement l’orage : cette première journée a déjà tout du « crazy trip » qu’on imaginait.
Nous arrivons à la nuit tombante à notre campement de yourtes, fourbus et bien contents. Le temps de découvrir le fonctionnement du poêle à bois, de sortir les doudounes et on se retrouve dans la yourte / cuisine, pour prendre le dîner qui nous a été préparé.
Evidemment, c’est un plat à base d’agneau ! C’est le second repas de la journée. On ne le sait pas encore, mais nous allons manger de l’agneau ou du mouton sous toutes ses formes durant tout le séjour. De quoi alimenter de nombreuses plaisanteries les semaines qui suivront.
Les gens sont super gentils. Campement tenu par la famille, qui se décarcasse pour arriver à tourner avec des moyens de fortune, pendant les quelques semaines que dure la saison d’été.
Et puis le paysage est fabuleux. Rien à l’horizon, sinon la vallée et les collines qui l’entourent, les quelques chevaux et les yourtes des nomades. Les nuits sont fabuleuses aussi, et les ciels constellés d’étoiles autant de prétextes à jouer avec les enfants à reconnaître les constellations.
Entre steppes et forêts
Le lendemain, trek organisé par Micky pour aller visiter un monastère, perdu au sommet d’une colline. Crazy trip again ! On commence par une demi-heure de voiture à travers champs, avant de poursuivre à pied.
Là, comme c’est trop simple, Micky décide qu’on va couper et laisser le chemin pour monter directement à travers la forêt vers le lieu supposé du monastère. Las ! Au bout de 500 mètres de traversée, le terrain devient marécageux ! Passage à pied, au milieu des hautes herbes, avec les filles sur les épaules ! Une fois dans la forêt, ce sont d’autres plaisirs qui nous attendent : pas de chemin évidemment, on se repère à la boussole, et le coin est infesté de mouches et moustiques.
Heureusement, Micky ne s’est pas trompé de destination : après 2 heures de montée dans la forêt et grâce à nos cartes embarquées, nous arrivons au monastère qui, effectivement, vaut le détour. En lui-même, il est assez simple, mais le lieu est magique (le monastère est un lieu sacré pour les shamans) et domine toute la vallée environnante.
Petite halte et visite du monastère. La personne qui le garde discute avec Micky et là, surprise : on nous offre de nous désaltérer avec la spécialité locale : du lait de jument fermenté ! Evidemment, on ne se défausse pas, y compris les enfants (bravo !), qui nous reprocheront tout de même pendant quelques heures cette expérience gustative inédite.
Au retour, même histoire. On pourrait prendre le chemin évidemment, mais Micky nous explique qu’il fait une grande boucle et qu’il faudrait marcher bien 1 h 30 de plus. On se laisse convaincre : c’est en descente, ce sera surement plus facile !
Et nous voilà repartis pour une autre course d’orientation en pleine montagne. Surprise d’ailleurs, on finit par croiser un équipage à cheval en train de monter au milieu de la forêt, sans non plus le moindre chemin tracé ! Il paraît que les chevaux mongols – qui comme chacun sait sont très résistants – sont habitués !
On finit par rejoindre le driver un peu inquiet tout de même (on a plus de deux heures de retard). Retour au campement, et les enfants décidément increvables enchaînent sur une heure de cheval dans la steppe, puis une petite montée autour du camp pour aller voir le coucher du soleil.
Karakorum
Le lendemain, retour vers Karakorum et le monastère d’Erdene Zuu, implanté à côté de la capitale de Gengis Khan. Le monastère a 430 ans. C’est l’un des rares survivants de la destruction des monastères mongols opérée par le régime communistes dans les années 1930.
L’ancienne capitale, elle, a entièrement disparu, rasée par les Mandchous. C’est l’occasion de quelques minutes de réflexion sur ces empires qui se sont construits, ont mis sous tutelle des pays entiers, souvent en détruisant leur patrimoine culturel, avant d’être à leur tour rasés et/ou mis à sac par leurs ennemis. Ainsi de l’empire mongol de Gengis Kahn, dont les traces vont de l’Europe de l’Est (Hongrie) à la Mer de Chine, et jusqu’au Cambodge au Sud. Ce sont les mongols qui ont mis à bas les royaumes khmers (Siem Reap) et birmans (Bagan), avant de passer eux-mêmes sous le joug Mandchou pendant plusieurs siècles et de voir l’essentiel de leur patrimoine détruit.
On quitte Karakorum en fin d’après-midi et on revient vers l’est.
A dos de chameau
Arrêt en pleine steppe, à « Little Gobi », cordon dunaire de quelques kilomètres de large et 70 kilomètres de long, le tout en pleine steppe. L’occasion de promenades à dos de chameau, et de photos fabuleuses, au coucher puis au lever du soleil.
Terlj National Park
Le temps d’une dernière étape de transit, notre périple nous conduit au Terelj National Park, le plus important parc national aux portes d’Oulan Bator.
Contexte complètement différent ici. Micky nous a trouvé un hébergement inouï : seuls dans le campement, qui est adossé à la montagne et domine la vallée, on profite totalement de la beauté du parc national.
Le lendemain, 5 heures du matin cette fois, aube du dernier jour. Le brouillard monte de la vallée, enveloppe et habille de manière fantomatique tous les environs du campement.
Escalade, tir à l’arc, et visite de Turtle Rock pour cette dernière journée, avant le retour à la « civilisation » vers Oulan Bator.
Merci à Micky pour l’itinéraire concocté et le choix de lieux où nous sommes passés, et pour nos longues conversations sur la culture mongole et les enjeux du développement du pays.
On ressort de là convaincus une nouvelle fois qu’il y a des régions plus dures à vivre que nos contrées occidentales …
Pour terminer, on ne peut pas résister à vous donner les meilleures photos prises lors du séjour, et que vous n’avez pas encore vues.
La vie dans les yourtes
Dans les steppes de Mongolie
Terelj National Park
Merci pour le partage , et l’aperçu de ce que vous avez vécu !