Nous, on ne situait pas bien le Cambodge… Entre Vietnam et Thaïlande, entre les traces de la guerre du Vietnam et le développement touristique de la Thaïlande.
Les temples d’Angkor à ne pas rater …. On n’en savait pas plus.
Le Cambodge prend ses racines dans l’empire Khmer, qui a dominé toute la région de l’Indochine du XI° au XIV° siècle, occupant d’ailleurs une place beaucoup plus importante qu’aujourd’hui (en vert sombre sur la carte).
C’est à cette grandeur passée qu’il doit les temples / villes magnifiques de la région d’Angkor.
Mais c’est aussi le pays le plus ravagé par les guerres de la seconde moitié du XX° siècle.
En fait, le Cambodge a été bien plus marqué encore par la guerre que le Vietnam voisin.
Première guerre civile de 1967 à 1975, bombardements américains ensuite – les US ont déversé plus de bombes au Cambodge entre 1970 et 1975 que tous les bombardements effectués pendant la seconde guerre mondiale – dictature Khmer rouge de 1975 à 1979, invasion vietnamienne et destruction des rizières, puis nouvelle guerre civile de 1975 à 1989.
Résultat : un pays détruit et ruiné, truffé de mines anti-personnels, détruit aussi dans son tissu social après les guerres civiles, les destructions et les atrocités du régime khmer rouge.
Détruit économiquement enfin. Notre guide à Banteay Chhmar, à qui nous demandions pourquoi le temple était à ce point détruit, nous a expliqué :
« La première raison, c’est que les gens ont vendu les pierres des temples et des tombes, pratiquement jusqu’en 2000, quand le gouvernement l’a interdit explicitement. Il n’y avait plus aucun revenu et c’était une façon de gagner de l’argent sur le marché de l’art thaïlandais« . « La deuxième raison, c’est que c’était devenu un véritable trafic, dans les années 1980 – 1990. J’étais réfugié dans un camp près de Banteay Chmar à l’époque [il a passé 4 ans dans un camp de réfugiés] ; les militaires étaient les seuls à avoir des camions car tout le reste avait été détruit par les Khmers rouges ; la nuit, il était interdit de sortir, pour cause de couvre-feu, et ils pouvaient tranquillement emmener les pierres et les statues pour les revendre« .
L’impact économique de ces guerres est encore très concret. Le Cambodge est – avec les Philippines – le pays le plus pauvre que nous ayons traversé. Par delà le développement touristique de la ville de Siem Reap, à coté d’Angkor, la pauvreté est partout ; routes en terre, maisons en bois, ressources minimales, pas d’eau courante ni souvent d’électricité, déchets à ciel ouvert… Cette réalité vous saute à la figure dès que vous quittez la ville et que vous vous enfoncez dans dans la campagne.
Pour autant, les gens sont optimistes et extrêmement accueillants. On ressent chez eux une envie d’aller de l’avant, de reconstruire le pays, de tous les instants. La meilleure illustration, nous l’avons eue au cours du spectacle Cambodian Circus auquel nous avons assisté à Siem Reap.
MOMENTS FORTS
Phnom-Penh, S 21
S 21, c’est le nom de code de la prison de Tuol Sleng, ancienne école reconvertie en centre de détention en plein centre de Phnom Penh.
Le régime khmer rouge y a détenu, torturé de manière systématique puis condamné à une exécution sommaire, entre 15 000 et 20 000 personnes entre 75 et 79.
On n’a dénombré que 7 survivants de S 21.
La prison n’est pas redevenue une école.
Elle a été reconvertie en « Musée du génocide Khmer Rouge » et raconte, au-delà de l’horreur de l’enfermement et de la torture, l’émergence du pouvoir Khmer rouge, le modèle social et politique qu’il soutenait (chasse aux intellectuels et aux citadins, exode forcé des populations, pas de relation familiale, dénonciation enfant – parent, collectivisme forcé centré sur l’exploitation agricole, pratique systématisée de la torture des opposants pour obtenir des aveux …), et la complicité silencieuse des démocraties occidentales, ou des régimes soviétique et chinois qui ont soutenu ouvertement le « Kamuchéa démocratique » (nom officiel du régime Khmer rouge).
C’était il y a moins de quarante ans. Beaucoup d’entre nous étions enfants ou étudiants.
La visite se déroule en silence, le casque de visite audio vissé sur les oreilles, avec le narrateur ou les témoins qui vous racontent tout cela en vous emmenant dans les différentes salles du centre S 21. Impossible d’en sortir intact. Il ne faut pas d’ailleurs. Le devoir de mémoire prend ici tout son sens, si nous voulons nous souvenir, puis transmettre les horreurs auxquelles peut mener toute dictature, fut-elle celle d’une utopie collectiviste.
Floating Villages
Présentés comme l’une des choses à voir autour de Siem Reap, ces villages reflètent l’organisation de la vie rurale autour du lac de Toulé Sap. Comme celui-ci change radicalement de superficie suivant la saison, toutes les maisons sont construites sur pilotis.
En saison sèche (ce qui était notre cas), poussière partout, enfants et adultes désœuvrés, rivières à sec ou réduites à une boue liquide sur laquelle circulent les dernières pirogues.
En saison humide, le lac ré envahit tout, la circulation se fait en bateau (pirogues motorisées) et la pêche reprend ses droits.
Même en saison sèche d’ailleurs, le lac n’est pas complètement à sec, et le peu de profondeur n’empêche pas les activités courantes, jusqu’à l’école du village, accessible uniquement par bateau !
Nous avons choisi de visiter un village loin du tumulte de SIem Reap et des visiteurs d’Angkor, et cela valait la peine.
Pas ou peu d’autre touriste, pas de boutique ou d’échoppe d’ailleurs, sinon celles nécessaires aux villageois aux-mêmes.
Sourire des enfants avec lesquels nous avons joué, et gonflé des ballons, et plus généralement de tous les habitants rencontrés.
Et en même temps, la pauvreté partout, sauf pour le temple dont l’éclat contraste d’ailleurs avec l’allure du reste du village.
Phare, The Cambodian Circus
C’est le grand moment de notre passage à Siem Reap.
Produit par une ONG cambodgienne, Phare Ponleu Selpak (*), le spectacle mélange arts du cirque, expression artistique (musique, peinture) et théâtre autour des thèmes de la reconstruction et de l’espoir. Voir la vidéo : https://youtu.be/ymDa11HjdOg
Certains de leurs spectacles sont sans doute très proches du cirque, comme le présente leur vidéo. Celui que nous avons vu était bien plus proche d’une pièce de théâtre. Fil rouge : les années récentes du Cambodge, vécues à travers les souvenirs d’une vieille dame qui s’éteint. Toutes les périodes importantes y sont représentées avec émotion :
les années insouciantes de l’enfance avant la guerre, les bombardements, l’émergence des khmersla souffrance et la mort,
la disparition des parents, la renaissance et la reconstruction, le développement économique, urbain et artistique.
Sans oublier les innombrables prouesses technique et artistiques du Cambodia Circus
(*) Phare Ponleu Selpak est une ONG née dans les camps de réfugiés de Cambodge, quand un groupe de jeunes cambodgiens et leur professeur de dessin ont décidé de lancer des ateliers créatifs destinés à exprimer leurs traumatismes suite aux guerres.
Elle s’est créée après la libération, en 1994, et a ensuite développé toute une filière d’aide aux enfants du Cambodge, autour des activités artistiques et du credo suivant :
« Phare Ponleu Selpak passionately believes in the power of the arts as a tool
for human development and social change«
4 écoles, près de 2500 enfants accueillis et formés chaque année, des spectacles du Cambodian Circus dans le monde entier.
Allez voir sur leurs sites : www.phareps.org ou ou www.ppsfrance.org/ppsa
Développement solidaire
Phare Ponleu Selpak est loin d’être une initiative isolée : de nombreux autres projets solidaires ont vu le jour dans ce Cambodge qui redémarre.
Nous avons ainsi rencontré :
- un restaurant / potager organique construit en plein centre de Sem Reap
- une communauté rurale à Banteay Chhmar, bâtie autour du projet de tourisme solidaire (Community Based Tourism) pour aider à développer et faire connaitre le temple : accueil des visiteurs, hébergement en homestay ou sur le site même du temple, taxis, guide, restauration … tous les habitants qui le souhaitent sont associés
- les Soieries du Mékong enfin, également basées à Banteay Chhmar ; développées à l’origine par deux ONG françaises : « Enfants du Mékong » et « Solidarité Internationale », l’entreprise qui produit des articles en soie haut de gamme (foulards, écharpes, cravates …) a relancé le savoir-faire ancestral des tisserandes. Elle fournit maintenant nombre de marques de luxe, et emploie localement plus de cent tisserandes, qui travaillent pour l’essentiel à domicile.
A voir : leur site www.soieriesdumekong.com ou le reportage fait par France 2, ci-dessous.
Grâce à vous je fais des progrès en histoire contemporaine et en géographie…
et encore merci pour le foulard en soie tissé main (12 heures de travail ! ) je vais en prendre soin…