Le voyage d'Eslafi

Pour des raisons de respect de la charte éthique de Caméléon, il nous est impossible de publier les photos des jeunes filles que nous avons rencontrées tout au long de ces quelques jours.

Il vous reste donc à imaginer leur sourire.

« Le Caméléon, c’est un animal tout en couleurs qui sait où il va, s’adapte à son environnement et continue d’avancer quoi qu’il arrive. »  (Laurence Ligier)

Par où commencer ?

Cela fait 4 ans qu’on connaissait Caméléon, après avoir parrainé Genibel et Leslie Ann en 2012.
On aurait dû savoir. Aller plus vite, venir plus tôt. Faire plus.
C’est tout le problème de notre quotidien chronophage. On ne prend pas le temps de creuser les choses, on les survole, même si parfois des signaux faibles nous disent qu’il y a des choses bien plus importantes que ce qui nous semble essentiel pour l’heure.
Et puis un jour, au détour d’un voyage, parce qu’on a enfin saisi cette opportunité d’aller vers ceux qui vous attendent, la réalité vous saute à la figure.

Par où commencer donc ?
Par Genibel, 18 ans, qui nous attend, postée au bord du chemin, quelques centaines de mètres avant chez ses parents ? Et qui monte dans le Jeepney, toute éberluée de découvrir en chair et en os ceux à qui elle écrit depuis 4 ans.

Ou par Leslie Ann, 16 ans, modèle de sérieux et d’engagement dans ses études, qui nous retrouve deux heures plus tard et nous montre fièrement – à juste titre – son bulletin de fin d’année ?

Par les filles du centre, qui nous accueillent tout sourire par de vibrants « Hi Tito, Hi Tita » à notre arrivée, et qui vont organiser un « Welcome Party » toutes ensemble (chants et chorégraphies à 50) pour le soir de notre arrivée,

Par le livre de Laurence Ligier « Princesses des rues » qu’on trouve dans la bibliothèque du centre, en arrivant le premier soir. 24 h plus tard, nous l’avons dévoré tous les deux ! 15 années de l’histoire de cette association, consacrée à l’accueil et à la réinsertion des jeunes filles philippines, résumées par celle qui s’y est consacrée.

On ne sait plus par quel bout prendre ce sujet. On voudrait graver tous ces moments dans nos mémoires, et en même temps, c’est tellement peu : nous y avons passé trois jours, autant dire rien, alors qu’il y a tant à faire !

L’histoire

Il faut repartir du commencement.

Laurence Ligier découvre les Philippines en 1992. Elle a 18 ans. Stupéfaite par ce qu’elle y découvre, elle décide de s’y consacrer, achève ses études en France en les réorientant vers le support au développement, multiplie les stages aux Philippines et s’y installe en 1995.

En 1997, elle crée Caméléon, une ONG dédiée à l’accueil,la prise en charge et la réinsertion des jeunes filles  (5 à 18 ans) victimes de maltraitance et d’abus sexuels, et souvent dans un contexte familial quasiment détruit.

La tâche est immense : il faut identifier et accueillir les fillettes / jeunes filles, les intégrer et les aider à franchir la rupture familiale, assurer leur encadrement et leur formation extra-scolaire sur plusieurs années, les scolariser en parallèle, les réintégrer ensuite dans leur environnement familial, s’il s’est stabilisé.

En outre, Caméléon s’est fixé deux objectifs : aider les jeunes filles à engager les poursuites contre les responsables de leurs maltraitances ; monter des actions de soutien à l’attention des familles, pour les aider à développer un métier et retrouver un revenu.

15 ans plus tard, Caméléon fait tout cela, et a lancé en outre un programme de soutien scolaire pour les jeunes filles de la région qui n’ont pas les moyens de se payer leurs études supérieures.

Le centre d’accueil

Le cœur du dispositif, c’est le centre d’accueil situé sur l’Ile d’Ilo-Ilo. Perdu dans la campagne philippine, il accueille sur le même site les 50 jeunes filles pensionnaires, leur encadrement, et toute l’équipe de Caméléon qui s’occupe du soutien aux enfants et aux familles des environs.

Accompagnement personnel, activités créatives et artistiques, sport, infrastructure médicale … : tout est organisé pour permettre aux jeunes filles de retrouver confiance en elles et s’épanouir.

Elles trouvent ainsi leur place au sein de cette communauté qu’elles font vivre au quotidien avec l’encadrement de Caméléon.

Le site comporte aussi un gymnase, lieu de fête et d’expression corporelle de tous les instants.

Enfin, il intègre une « maison des volontaires » ouverte à tous ceux qui veulent les aider, et dans laquelle nous avons passé ces 3 jours. C’est là aussi qu’on a fait la connaissance de Bertille, Charlie et Marion.

Soutien scolaire

La communauté Caméléon va en fait bien au-delà des pensionnaires du Centre. Le financement des programmes de soutien scolaire a ainsi permis de financer sur plusieurs années les études secondaires et supérieures de plus de 400 jeunes filles. Outre l’accueil et la sélection des jeunes filles, Caméléon assure la coordination avec les parents et le suivi des études.

Parrainages

L’objectif est que tous les enfants soient parrainés : la relation aux parrains est essentielle dans le développement des enfants, même si souvent elle se limite aux échanges de courriers.

Pour autant, Caméléon continue à rechercher activement des parrains. Allez voir sur leur site !

Si vous passez sur place, l’accueil est inoubliable.

Nous sommes arrivés un mercredi soir. Welcome Party donc, avec toutes les jeune filles, qui nous avaient organisé un spectacle et nous ont demandé de nous présenter. Rencontre de Margaux et Chloé qui, avec leurs chevelures blondes, ont symbolisé pendant ces 3 jours Elsa et Anna, dans la Reine des Neiges.

Le lendemain, rencontre de Genibel et Leslie Ann et leurs familles : instants inoubliables, entre nos premiers « vrais » contacts, le déjeuner dans la ferme, la visite d’un temple ou la montée des filles dans les cocotiers.

L’après-midi : retour au centre ; création de bracelets « loom » et atelier coiffure pour habiller les filles en princesses.

Vendredi : birthday party. Tous les mois, une fête est organisée pour tous les anniversaires du mois. Diner,danses et jeux toute la soirée. Comme le précise Laurence Ligier dans son livre :  « Pour beaucoup d’entre elles, l’anniversaire est un événement capital car c’est la première fois que quelqu’un s’intéresse à elles personnellement ».

Samedi matin : on retrouve Genibel et Leslie Ann, qui nous amène son bulletin incroyable reçu la veille. Départ pour une visite en ville puis shopping tous ensemble. On se quitte en se promettant de nous revoir sans attendre 4 ans de plus.

Samedi après-midi : On rejoint les filles du pensionnat pour un WE de camping. Au programme : jeux, atelier créatif  » The Woman I Want To Be », séance photos, dîner et soirée autour du feu. Au grand désespoir de Margaux et Chloé, nous devons partir en début de soirée parce qu’on s’en va à l’aube le lendemain matin.

Merci à toutes pour votre accueil et cette incroyable leçon de vie !

Caméléon est une ONG profondément investie dans la qualité d’accompagnement de chacune des jeunes filles,
plus que dans tout effet de masse.

Pourtant, le besoin reste immense, et Caméléon est d’ailleurs en  train d’ouvrir un nouveau centre, sur l’île voisine de Négros.

Cela va de soi, mais c’est l’un des éléments les plus importants : l’association vit et finance ses programmes uniquement grâce au soutien de ses donateurs. Vous pouvez y participer ou relayer le message. 

A parcourir : le site http://www.cameleon-association.org

A lire : Princesses des rues, Laurence Ligier, 2007